L'amertume au fil des jours que l'on passe prostré
Mon chat devient fou, et il a bien raison. Il court depuis le salon, s'arrête en dérapage griffu sur la moquette, entre en trombe dans une étagère, puis en ressort et se précipite dans le salon à nouveau. Je m'arrache les cheveux calmement en le regardant craquer. Il est si sensible. Perdue pour perdue, c'est le chat qui me fait signe que tout ça ne mène à rien de bon. Que rien ne sera plus comme avant, que gare à moi si je l'abandonne lui aussi.
Et voilà qu'il miaule comme une âme en peine face au mur et mes cheveux s'entassent sous mon bureau pour former bientôt un beau mouton de poussière. Le bruit des travaux dans la cour, la bière que je bois si tôt dans l'après-midi, le volume de la musique, rien ne me touche. C'est ainsi que les jours passent et que tous les matins je ne me souviens pas exactement de ce que j'ai fait la veille. Je prends beaucoup le métro. Cette ville est si belle que le bonheur d'y vivre n'a d'égal que mon inutilité dans le monde et dans ma propre vie.
Il
y a bien un garçon. Mais les bluettes ne sont plus aussi haletantes qu'à neuf
ans. Il doit y avoir un travail quelque part pour moi qui ne sait rien faire et
qui cherche mal. Il y a bien ma mère qui m'aime et me soutient. Il y a toujours
les livres. Et internet.
Ce que je nomme "Le grand marasme" a commencé pour moi il y a quelques années quand toutes les choses se sont mises à ne concerner que moi. La solitude. Ces choses de la vie qu'on ne nous apprend pas. On ne nous dit pas comment éviter la mort du désir. On ne nous explique pas comment faire le deuil, comment être constant. Personne ne sait exactement pourquoi on perd des amis pour s'en faire d'autres. La solitude, Emma Bovary :
L'amertume au fil des jours que l'on passe prostré.
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Il y a aussi
c'est si peu
la drogue la satisfaction
comment l'écrire
ce mot
satisfaction
pourtant
on s'habitue à tout
c'est ce qu'on fait
le plus souvent
avec plus ou moins de réussite
selon les saisons
je sors de chez moi
et pourtant
l'étau
sur mon estomac
ne dessert pas
son emprise
il en est
de la surprise
comme du chocolat
on n'est plus dupes
de ce genre de
bonheurs
et je sors de chez moi
pour traverser un cimetière
avec ou sans toi
sans toi
plus souvent
il en est des stèles
tellement
calmes et nombreuses
et je téléphone
dans le cimetière
et tu vas au toilettes publiques
et les visiteurs
visitent
pourtant
c'est sans toi le plus souvent
ces jours que je passe prostrée
entre deux trépassés
et un demi-mort
mais c'est à demi-mot
qu'il faut en parler
garder pour moi
assez de secrets
pour pouvoir dormir
me bercer d'eux
et croire que le chat
est mon ami
alors
qu'il ne cherche
que son confort
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On parle de vote utile dans la rue c'est tout juste si on se rend compte de la présence de la pluie violente qui bat les vitres et c'est tout juste l'heure pour moi d'entrer dans le cinéma.
C'est un poème une chanson ou un cri plutôt un râle du fond de la gorge qui attend que l'alcool monte ou descende le long du gosier encore j'avais dit "pas aujourd'hui" mais je ne l'ai pas dit à voix haute puisqu'aujourd'hui je n'ai pas parlé.
S'agit-il d'écrire d'avoir une activité créatrice ou d'empoisonner le papier d'écraser des clopes dans des cendriers trop profonds avec des manches de pull trop longues on pourrait les brûler comme ça on aurait pu sortir ce soir à nouveau pour passer le temps qui passe de toute façon.
S'agit-il de se répandre et non jamais d'enfanter un objet fini magnifique merveilleux quel talent je suis un peu douée mais pas tant ça ne suffit pas je crois je crois ou je suis sûre? ça manque de travail.
Je suis douée pour le commencement des choses on part toujours de soi alors je dis je tant pis je suis plus calme maintenant l'ébriété souterraine est là je disais le commencement c'est pour moi d'autres font le reste et d'autres encore finissent je suis de ceux-là aussi je finis mal et abrupt c'est salissant mais tant pis pour la beauté qui n'est pas lâche lève le premier le doigt.
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Aujourd'hui
dans un silence de ville
et à travers
les rayons du soleil
il est tombé
de petits morceaux de glace
et je ferais Verlaine
si j'osais
mais il ne pleure pas
dans mon cœur
comme sur la ville
il y fait plus froid
que glacial
on y est plus à l'ombre
qu'au soleil
ces dérèglements
climatiques
et la dégénérescence
de mes cellules actives
qu'est-ce que je raconte
ça va mal, c'est tout
je suis douée pour
les petites choses
c'est ainsi
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Et quand bien même teinté rose cela serait : "je veux être avec toi et l'autre et puis on verra le temps fera le reste" avec toi oui un moment avant que tu ne retrouves tes esprits ceux qui te guideront loin de moi.
Tromper la solitude n'est jamais bon mais je me cache et quand elle me retrouve je me cache à nouveau pourtant dans quelques jours celui que j'ai brisé me laissera enfin seule me laissera seule sans personne alors vers qui tourner mes yeux quand je voudrais m'assurer pour la dixième fois que j'existe bien réelle.
C'est alors quand toi et lui serez partis seulement qu'alors isolée je pourrai si je veux descendre plus bas ou rebondir je ne sais pas encore si rebondir il le faut il doit bien y avoir un moyen de rêver moins à l'impossible et de faire ce que tant de gens font vivre normalement être malheureux normalement et ne pas créer.
La sale manie d'avoir besoin continuellement de sortir quelque chose écrire dessiner filmer chanter ou photographier je suis donc si étroite à l'intérieur que ma vie n'y rentre pas il faut que je la stocke hors de mon corps dans des œuvres et pas assez bonnes encore? Comme sans cela il doit être agréable de vivre j'ai essayé mais je n'y suis pas bien je ne suis pas apte à grand chose finalement sauf à être dépendante du regard des autres même les morts braqué sur moi en permanence parce que c'est ainsi que je l'imagine que peuvent-ils faire d'autre que m'observer je les observe bien moi.
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En voyant trois lapins
faire de l'anti-folk
j'ai réalisé soudain
qu'entre nous
aucun avenir
amoureux
pendant que lui
me dit qu'il se sent veuf
je serais donc morte
il rajoute
que je ne parle pas
que je ne dis jamais rien
c'est bien vrai
et je ne le ferai plus
dorénavant
je vais tout dire
quand il s'agira
de ne pas reproduire
les mêmes erreurs
dans l'avenir
amoureux
de ne pas trahir
je tâcherai
de ne pas mentir
et mépriser
plus rien de tout cela
non plus mais
communiquer
partager
comprendre
et désirer
puis
j'en attendrai
de même
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Un an en arrière nous avons acheté ce jeu il n'existait plus de limite entre la vie et la simulation nos avatars nous devions leur choisir des priorités comme dans la vie quand on sait ce qu'on veut plusieurs choix l'amour la carrière l'argent la popularité la créativité devine ce que j'ai pris devine ce qu'il a pris se souvient-il seulement de la vie qu'on simulait et de la vie qu'on menait c'en état troublant j'ai arrêté de jouer.
Là où il a choisi la créativité j'ai naturellement choisi l'amour.
Pourtant j'aurais pu choisir autre chose pourquoi après tout privilégier l'amour quand maintenant que tout est fini il fait des chansons qui me font mal comme du sel sur du sang et que l'on boit chacun dans son ivresse en attendant des jours meilleurs chacun pour soi plus pour l'autre mais est-ce que ça a seulement été pour l'autre?
Pourquoi cet état d'enfant qui vivait les choses autrement avec l'amoureux premier je ne peux pas le retrouver c'était gravité oui mais si uniquement nous lui et moi dans les ruines de sa maison en construction à côté de celle de ma mère où il n'habitera finalement jamais et je l'ai perdu parce qu'enfant nous suivons les adultes qui nous élèvent et nous emmènent loin de ceux qu'on aime déjà. Il était Philippe mon grand amour deux ou trois ans durant et contre la plupart des autres élèves cruels.
Déjà le triangle amoureux à neuf ans lui moi et le meilleur ami le brun le blond et la fille les garçons chacun sa façon de me vouloir pour gagner mais mon coeur est à un seul et c'est une après-midi dans les ruines que celui que je n'aimais pas est arrivé pour chasser celui que j'aimais qui s'est effacé c'est à toi de choisir je t'ai choisi toi mon premier on se retrouvait aux toilettes pendant le cour de calcul mental il savait mes secrets ma sale histoire déjà il voulait me protéger.
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La fabrique de souvenirs
à une vitesse indécente
c’est ce dont nous souffrons
en nous quittant
si vite
Sur ce que je bois
Il est écrit
douceur subtile
et généreuse
c'est ce que tu n'es pas
pour moi
ni subtil ni
discret tu voulais
mais
tu n'es qu'absent
plus de douceur
dans tes mots
comme à nos
jeunes débuts
généreux tu as cessé
de me demander
de l'être
de moi tu ne veux
plus rien
mais d'elle
tu vas me parler
et je t'écouterai
pour la dernière fois
puis nous scellerons
nos jeunes émois
en une fin
moins que tragique
quoique
véritable
douloureuse
puisque
de nos débuts
me restera
une odeur fraîche
de neige fondue
sur tes cheveux
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J'aimerais pouvoir lui dire
tu es ma douleur
dors contre moi
tout ira bien
mais je ne peux
rien
il est tant
de souvenirs
qui nous regardent
que pour l'instant
dans nos blessures
nous reposons
seuls et hagards
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Aujourd'hui un poignard s'est acharné sur moi des heures durant jusqu'à l'épuisement du diaphragme qui s'est dit respirer devient trop difficile stoppons là l'effort de survie mais je vis pourtant toujours avec la déception de savoir que de tout cela nous nous remettrons et bien encore avec la sagesse que l'on gagne à connaître le déchirement des frères et des sœurs qui se sont aimés puis se séparent.
Car c'est bien l'ami qui nous reste après tous les mots celui qui manquera quand sévira l'orage et brillera le rayon vers qui l'ont se tournait pour échanger un regard machinalement c'est bien lui qui disparaît quand tout cela n'est plus qu'une page écrite dans l'histoire que l'on racontera lorsque de battre le cœur aura repris l'activité.
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Il est temps pense-t-elle allons-y dit-il
il s'installèrent à l'habituel café
le premier café au soleil de l'année pense-t-elle
prends soin de toi dit-il
en regardant le carrefour comme s'ils se trouvaient dans un pays étranger
c'est comme si on était morts prononce-t-elle
oui
le temps s'est arrêté au feu rouge un cycliste est immobile
un nuage assombrit la rue puis s'en va et revient le soleil
ne doute pas de toi lui dit-il
tu es beau répond-elle n'oublie pas
merci
j'ai été heureux
tu m'as beaucoup appris
tu fais partie de ma vie
je ne t'oublierai jamais
l'étreinte dernière et douloureuse
les larmes et la nausée
je ne peux pas regarder cette pièce vide
faire le deuil de quelqu'un qui est encore en vie.
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